Louange des mousses, Véronique BRINDEAU, Éditions Philippe Picquier
« Elle sont d’avant le temps des hommes,bien avant celui des arbres et des fleurs ».
Elle décrit « cette aptitude à amplifier le regard »
chez les japonais: une attention extrême aux détails,
aux petits riens qui deviennent tout.
(Jardin du temple, Kennin-ji, Kyoto)
Véronique Brindeau nous emmène au Temple des Mousseset son jardin à Kyoto, auquel on accède, sur rendez-vous,après un passage dans la salle du Temple où l’on est invitéà recopier un soutra: vaste et somptueuse étendue, sons étouffés,invitation à l’écoute et au silence.«La parole s’éloigne de vous tout naturellement, devenue inutile et déplacée.Ombreuse et douce, la mousse épouse la terre, la couvre d’un manteauet pas d’avantage on n’en peut isoler les brins que les flocons.Elle est le printemps perpétuel comme la neige est l’hiver,et comme elle, restitue le monde à son silence» écrit-elle.(Jardin de mousse, Tofoku-ji, Kyoto)
De ce dépouillement et de ce naturel,
la mousse figure au Japon l’emblème végétal.
Son minimalisme, sa plasticité n?intéressent plus
seulement les jardiniers soucieux de maintenir les traditions;
des architectes, des paysagistes, dont Shigemori Mirei est le précurseur,
l’intègrent désormais dans leurs constructions.
(Kodai-ji, quartier d’Higashi-yama, Kyoto)
Sur les contours du bâtiment de la boutique de mode Prada
dans le quartier d’Aoyama à Tokyo sont disposées
à l’oblique de larges tapis de mousses vert sombre.
D’ordinaire réduite à une simple frange à la base des rochers épars,
la mousse occupe ici le devant de la scène.
Contraste d’ornement végétal et d’ornement minéral,
géométrie parfaite tel un damier de sable et de mousse
(au temple de Kodai-ji), géométrie floue de carrés de pierre
qui accompagnent les pas du visiteur au milieu
d?un parterre de mousse (au temple de Tofoku-ji)…
Le moment idéal pour découvrir les mousses ?
Un matin d’été humide, où la mousse est recouverte de lentilles d?eau.
En journée, on répand de l’eau sur le chemin
afin de donner aux mousses l’éclat fugace d?une ondée.
On a coutume au Japon de se mettre en route pour admirer
les fleurs du printemps ou les feuillages de l’automne.
Les jardins les plus réputés pour leurs érables sont aussi tapissés de mousses.
Mais peut-être serait-ce l’érable le faire-valoir,
offrant au visiteur une occasion supplémentaire
d’admirer les diverses nuances de vert de la mousse
qui accueille voluptueusement sa feuille vermillon tombée de sa branche.