À la cour du Prince Genji, mille ans d’imaginaire japonais

Célèbre pour le raffinement extrême de son art de cour et son effervescence artistique, le Japon impérial de l’époque de Heian (794-1185) a notamment donné naissance à une oeuvre majeure de la littérature classique japonaise, le Dit du Genji.

Murasaki Shikibu

Écrit au 11e siècle par une femme, la poétesse Murasaki Shikibu, et considéré comme le premier roman psychologique de l’Histoire, le Genji est à l’origine, depuis sa création il y a mille ans, d’une iconographie extrêmement riche, influençant jusqu’aux mangakas contemporains. Il a ainsi inspiré de nombreux artistes et artisans du Japon à travers les siècles, parmi lesquels Itarô Yamaguchi (1901-2007), maître tisserand à Kyoto, dont quatre rouleaux tissés exceptionnels sont présentés pour la première fois dans leur intégralité.

La première partie de l’exposition invite le visiteur à se plonger dans le Japon ancien, à travers l’évocation d’une architecture traditionnelle. Le visiteur y explore l’époque Heian (794-1185) et son art de cour. Cette période de liberté pour les femmes, et à la production artistique particulièrement riche, voit notamment l’émergence d’une littérature féminine, unique dans l’histoire du Japon. Si la poésie chinoise kanshi reste l’apanage des élites masculines gouvernantes, les femmes, elles, s’emparent des poèmes de style waka qu’elles rédigent à l’aide d’un système d’écriture cursive dérivé du chinois et adapté à la langue japonaise d’alors. Affranchies du modèle chinois, elles vont produire des oeuvres mêlant waka et prose, sous forme de journaux ou d’histoires racontées.

Écriture curisve, dite « kana »

Texte le plus célèbre, écrit au 11e siècle par la poétesse Murasaki Shikibu, le Dit du Genji (Genji monogatari) est aujourd’hui considéré comme l’oeuvre la plus représentative de la littérature classique du Japon. À travers une évocation subtile de tous les raffinements de la cour impériale, le Dit du Genji ouvre la voie à une exceptionnelle créativité picturale et suscite une iconographie extrêmement riche, qu’attestent laques, estampes, tissus, kimonos, sculptures, peintures et objets précieux, provenant du musée Guimet et de plusieurs collections françaises et japonaises. Marie-Antoinette elle-même collectionnait des boîtes en laque représentant des scènes du Genji… Ce roman fondateur pour la culture japonaise a inspiré de nombreux artistes et artisans jusqu’à nos jours, et jusqu’aux nouvelles formes d’art. Le manga notamment, qui réinterprète les codes picturaux, les thèmes et les scènes de l’histoire du Genji avec une époustouflante inventivité, dont le plus célèbre est sans doute Asaki yume mishi de Waki Yamato (né en 1948). Œuvre magistrale, le Dit du Gengi est encore adapté de nos jours, comme en témoigne la récente édition de Sean Michael Wilson, illustrée par Inko Ai Takita, qui tapissera les murs et le sol d’un espace de l’exposition.

La seconde partie de l’exposition est consacrée à Itarô Yamaguchi (1901-2007), maître tisserand du quartier de Nishijin à Kyoto, qui a tissé et donné au musée Guimet quatre formidables rouleaux illustrant le Dit du Genji, représentant l’aboutissement d’une vie consacrée au tissage. Réalisés d’après des rouleaux peints de l’époque Heian, et par hybridation avec la haute technicité occidentale de la mécanique Jacquard et son avatar numérique, les quatre exceptionnels rouleaux sont montrés pour la première fois ensemble et déroulés dans leur intégralité. Ils sont présentés avec des objets du quotidien, dessins préparatoires et oeuvres tissées par le maître.

Jusqu’au 25 mars 2024 – Musée Guimet 6, place d’Iéna 75116 Paris – Ouvert tous les jours sauf le mardi, de 10h00 à 18h00.